Pour me faire un enfant
Bernard VALAIS
Au commenc'ment, il y a le verbe,
Qu’il te faut très bien conjuguer,
Comme si tu cueillais des brins d’herbe
Pour me composer un herbier.
Procéder par petites touches
Comme le ferait un écolier
Qui, pour la première fois, couche,
Des mots d’amour sur un cahier.
Chercher d’abord à me comprendre
Afin de ne pas m’effaroucher.
M’inventer quelques phrases tendres
Et peu à peu m’apprivoiser.
Interpréter mes battements de cils
Comme des peurs de papillon.
Surtout ne pas me croire docile;
Et laisser vivre ma rébellion.
REFRAIN
Conjuguer ensuite avec tendresse
Des vibrations inhabituelles,
Comme des douves enchanteresses,
Enserrant une citadelle.
Puis te glisser à pas de loup
Dans mon désir d’être maman,
Et nouer autour de mon cou
Des vœux doux et de fiers serments.
Lentement effeuiller mon âme
Comme le temps dévêt les saisons
Pour enfin aviver la flamme
Tout au cœur de ma frondaison.
Encore, encore prendre ma main
Jouer l’amour et pas la montre ;
S’éterniser sur les chemins
Par où nos envies se rencontrent.
Laisser des jours, des nuits passer
Assez de temps, pas trop quand même,
Un beau matin nous réveiller,
Brûlant du feu de ceux qui s’aiment.
Et envahir la barbacane
Antichambre où mes sensations
N’osent alors plus faire un drame
Pour quelques grammes de nylon.
REFRAIN
Et m’enlacer dans les méandres
De désirs à peine frissonnés
Qui bientôt nous réduisent en cendre
A force de s’être consumés.
Se dire qu’on s’aime, le souffle court,
Se le répéter à en mourir,
Et se dénouer au petit jour,
Dans un océan de plaisir.
Et puis attendre des semaines,
Etre là comme au premier jour,
De joies en joies, de peines en peines,
Me rassurer à chaque détour.
Déjouer un par un les présages
Qui planent comme des vautours
Dans les secrets de mon visage,
Et sur le fruit de notre amour.
Attendre, attendre, rien que toi et moi
Jusqu’à ce qu’enfin il voit le jour,
Et s’étonner comme chaque fois
Devant ce gros bébé d’amour.
Et déjà se rappeler le verbe
Et comment bien le conjuguer.
Et retourner jouer dans l’herbe
Et se ficher pas mal des herbiers.
REFRAIN
Au commencement était le verbe
Qu’il t’a fallu bien conjuguer,
Comme si tu cueillais des brins d’herbe,
Pour me composer un herbier.
T’as procédé par petites touches,
Comme l’aurait fait un écolier
Qui, pour la première fois, couche
Des mots d’amour sur un cahier.